Six pièges à éviter lors d’une transformation numérique

es compétences clés en leadership du gouvernement du Canada servent de base aux dirigeant·es du GC pour soutenir la prise de risque réfléchie et soulignent l’importance d’apprendre des revers et des erreurs.

Bureau rétro qui se transforme en un collage de technologies numériques modernes. Il y a un caméléon sur le bureau.

Remarque : Le présent article a été écrit par Troy MacFarlane, en collaboration avec l’Académie du numérique de l’École de la fonction publique du Canada. En 2023, l’Académie a réalisé des entrevues avec 33 personnes ayant dirigé des projets de transformation numérique au gouvernement du Canada, ce qui a permis de cerner les facteurs de réussite indispensables. Bien que le cadre de réussite de Troy MacFarlane diffère de ces facteurs, les conseils et les constatations se rejoignent (par exemple, vision claire, progrès mesurables et assortis d’échéances, viabilité fondée sur la mobilisation de la direction de l’organisation, priorités, et politiques et gouvernance). 

 – Équipe de l’Académie du numérique 

Selon le rapport d’audit La modernisation des systèmes de technologie de l’information publié en 2023 par le Bureau du vérificateur général du Canada, le leadership et un plan d’action concret sont deux facteurs de réussite clés de la modernisation des TI au gouvernement du Canada (GC). Plus généralement, cette modernisation renvoie à l’accès à des données de qualité et à des technologies sûres, fiables et rentables. Elle est la pierre angulaire de la transformation numérique, qui est un engagement à développer les capacités organisationnelles et techniques de façon ininterrompue grâce à l’innovation, aux données et aux technologies numériques afin d’améliorer continuellement l’expérience utilisateur, les produits et services et les activités d’une organisation. 

Les compétences clés en leadership du gouvernement du Canada servent de base aux dirigeant·es du GC pour soutenir la prise de risque réfléchie et soulignent l’importance d’apprendre des revers et des erreurs. Comme plus de 70 % des initiatives de transformation numérique se soldent par un échec, ces dirigeant·es doivent réfléchir non seulement aux risques à prendre, mais aussi aux risques à anticiper et à éviter avant d’élaborer un plan d’action pour mener à bien la transformation numérique. D’ailleurs, l’absence d’un tel plan est au cœur de chacun des six pièges courants de l’exécution d’un projet de transformation numérique. 

Voici les six pièges courants que doivent flairer, contourner ou éviter les dirigeant·es du GC qui assument la responsabilité d’un projet de transformation numérique : 

Texte descriptif Diagramme composé de six petits hexagones disposés autour d’un plus grand hexagone central indiquant « Six pièges courants de la transformation numérique ». Les petits hexagones sont numérotés de 1 à 6 et renvoient à un piège courant de la transformation numérique. En commençant en haut et en se déplaçant dans le sens des aiguilles d’une montre, le diagramme montre l’hexagone vert 01 qui indique « Ambiguïté des objectifs de la transformation », l’hexagone jaune 02 qui indique « Absence d’engagement de la part de la direction », l’hexagone orange 03 qui indique « Bassin limité de personnes talentueuses », l’hexagone mauve 04 qui indique « Absence de changements viables à long terme », l’hexagone rouge 05 qui indique « Manque de progrès mesurables » et l’hexagone bleu 06 qui indique « Désuétude des TI ».

Piège 1 : Ambiguïté des objectifs de la transformation 

Tout projet de transformation numérique prend appui sur une stratégie opérationnelle et une compréhension des raisons sous-tendant la nécessité pour l’organisation d’apporter un changement. La phase de planification stratégique est donc l’occasion de communiquer les objectifs de la transformation à l’échelle de l’organisation. En cas de doute sur la façon de définir ces objectifs, il pourrait être utile de s’inspirer des quatre grandes sphères de la transformation ci-après, qui sont dérivées des stratégies génériques de Porter.  

  1. Premièrement, l’organisation doit examiner sa clientèle cible et se demander comment elle peut utiliser les données et les renseignements utiles pour personnaliser l’expérience utilisateur, favoriser l’autonomisation grâce au libre-service, diversifier les canaux d’offre de services et bâtir de solides relations. 
  2. Deuxièmement, elle doit réfléchir à la façon de trouver de nouveaux services et d’améliorer les services existants, par exemple, en investissant dans la recherche et l’innovation et en assurant une prestation souple des produits et services numériques.  
  3. Troisièmement, elle doit déterminer comment elle peut améliorer l’expérience utilisateur de son personnel, par exemple, en offrant un milieu de travail hybride qui favorise la mobilité et en automatisant certaines tâches manuelles et répétitives afin de leur permettre de consacrer plus de temps aux activités à valeur ajoutée et à la collaboration.  
  4. Finalement, l’organisation doit cibler les changements qui doivent être apportés pour rendre les activités plus fiables et plus sûres. 
Texte descriptif Diagramme de Venn composé de quatre cercles qui se chevauchent sur un fond blanc.

La question « Sur quoi devrions-nous mettre l’accent? » en caractères gras chapeaute le diagramme. En commençant en haut, le premier cercle du diagramme contient les mots « Expérience client » sur un fond vert. Il est lié par une flèche à la phrase « Utiliser des données et des renseignements utiles pour personnaliser l’expérience utilisateur, favoriser l’autonomisation grâce au libre-service, diversifier les canaux d’offre de services et bâtir de solides relations ».

En se déplaçant dans le sens des aiguilles d’une montre, le deuxième cercle contient les mots « Produits numériques » sur un fond bleu. Il est lié par une flèche à la phrase « Investir dans la recherche et l’innovation et assurer une prestation souple des produits et services numériques ».

Toujours en se déplaçant dans le sens des aiguilles d’une montre, le troisième cercle contient les mots « Expérience employé » sur un fond jaune. Il est lié par une flèche à la phrase « Offrir un milieu de travail hybride qui favorise la mobilité et qui permet de consacrer plus de temps aux activités à valeur ajoutée et à la collaboration ».

Le quatrième et dernier cercle contient les mots « Expérience opérationnelle » sur un fond orange. Il est lié par une flèche à la phrase « Stabiliser les activités grâce à une prise de décisions et à des opérations fondées sur les données ».

Dans les zones où les cercles se chevauchent, on indique ce sur quoi l’accent doit être mis, c’est-à-dire « Interne », à l’intersection des cercles orange et jaune, et « Externe », à l’intersection des cercles vert et bleu. 

Au départ, l’organisation devrait mettre l’accent sur une seule sphère de la transformation, tout au plus deux, pour éviter possiblement toute discordance entre les changements requis et la culture, les processus opérationnels, les compétences de la main-d’œuvre et les systèmes de gestion favorisant la transformation numérique de l’organisation. Néanmoins, la prise en compte des quatre sphères de transformation est une excellente façon de résumer les changements possibles aux décideuses et décideurs, ce qui aide l’équipe de direction à définir plus concrètement ses aspirations numériques et ses objectifs stratégiques.  

Piège 2 : Absence d’engagement de la part de la direction 

Il n’est jamais simple d’opérer des changements associés à la transformation numérique, alors les rendre viables à long terme est encore plus difficile. C’est pourquoi la direction d’une organisation doit être pleinement engagée et adhérer à la vision proposée. Si la transformation s’étend à toute l’organisation, elle doit être appuyée par les cadres pour s’assurer que les responsables de niveau supérieur comprennent bien les multiples contraintes liées aux investissements et aux ressources. Il est donc primordial que les objectifs de la transformation numérique et les priorités générales de l’organisation concordent. 

L’engagement à l’égard de la transformation ne se limite pas au personnel de direction, mais concerne aussi les cadres intermédiaires qui s’occuperont de l’exécution du projet. Si les cadres intermédiaires résistent au changement par peur, par malaise quant aux nouveaux comportements demandés ou par manque de compétence ou d’intérêt, l’engagement à l’égard des objectifs de la transformation doit alors devenir une responsabilité. La stratégie de gestion du changement doit considérer les cadres intermédiaires comme un groupe distinct de parties prenantes et moduler les interventions de communication et de mobilisation en conséquence. 

Piège 3 : Bassin limité de personnes talentueuses 

L’accès aux personnes talentueuses est souvent une difficulté qui nuit à la réalisation des projets de transformation numérique. La stratégie de gestion du talent de l’organisation devrait combiner trois éléments : l’amélioration des compétences (pour les personnes en poste dans leur domaine d’expertise), le perfectionnement (pour les recrues dans un domaine afin qu’elles puissent acquérir de nouvelles compétences) et le recours aux services professionnels, aux cabinets d’expertise-conseil et au personnel temporaire ou à contrat. 

Le leadership du changement peut aider l’organisation si cette dernière choisit de désigner des champion·nes de la transformation numérique. Ces personnes appartiennent à différents niveaux hiérarchiques, occupent diverses fonctions (utilisateurs et utilisateurs avancés, porte-parole des entreprises, agent·es du changement interne) et peuvent avoir un véritable effet multiplicateur sur l’engagement du personnel, un élément clé de l’amélioration et du maintien des compétences liées à la transformation numérique. Comme elles sont aux premières lignes de la lutte à la résistance culturelle au changement, elles exercent leur influence pour démocratiser les concepts de transformation numérique, mieux faire connaître les travaux dans ce sens et mobiliser le personnel en collaborant avec les réseaux d’employé·es.  

Texte descriptif

Tableau de cinq colonnes et trois lignes ayant pour titre « Gestion du changement grâce à l’effet de réseau ». Les en-têtes de colonnes sont : Structure (organisation), Optique, Responsabilité, Nombre de personnes et Prise de décisions. Chaque ligne est une description d’un rôle différent au sein d’une organisation :

1. La première ligne est une description d’un rôle officiel (attribué) ayant les caractéristiques suivantes :

- Optique : Particulière

- Responsabilité : Directe (doit veiller à l’exécution du changement donné)

- Nombre de personnes : Peu de personnes occupent le rôle en question

- Prise de décisions : Élevé

2. La deuxième ligne est une description d’un rôle plus informel (attribué et participatif) ayant les caractéristiques suivantes :

- Optique : Particulière et générale

- Responsabilité : Directe et indirecte (porte-parole, facilitatrices et facilitateurs, innovatrices et innovateurs et influenceuses ou influenceurs)

- Nombre de personnes : Plusieurs personnes occupent le rôle en question

- Prise de décisions : Moyen

3. La troisième ligne est une description d’un rôle informel (participatif) ayant les particularités suivantes :

- Optique : Large

- Responsabilité : Indirecte (apprenant·es, promoteurs et promotrices et collaborateurs et collaboratrices)

- Nombre de personnes : Ensemble du personnel

- Prise de décisions : Faible

Piège 4 : Absence de changement viable à long terme 

Les projets de transformation numérique vont bien au-delà des changements apportés aux données et aux technologies numériques : ils métamorphosent la culture, l’état d’esprit, la structure et les pratiques de l’organisation. La viabilité à long terme des changements n’est possible que si ceux-ci deviennent la nouvelle normalité et si la responsabilisation vise à soutenir la transformation. Il est donc nécessaire de mobiliser autant les responsables des politiques et de la gouvernance que les responsables du numérique et des technologies. 

Les changements mis en œuvre dans bien des projets de transformation numérique ne perdurent pas parce que la vision n’est pas bien comprise, que la portée est mal définie ou qu’il y a un manque de confiance dans la capacité d’exécution. Une formule générale pour un changement réussi comporte habituellement trois éléments : 

  1. une compréhension claire du problème; 
  2. un résultat souhaitable découlant de la solution proposée; 
  3. un changement perçu comme étant réaliste et réalisable. 

Lors de projets de transformation numérique pluriannuels, il viendra une période où l’enthousiasme s’émoussera et où le bien-fondé du changement sera remis en question. Toutefois, si les trois éléments précédents l’emportent sur la résistance au changement, alors les changements découlant de la transformation numérique sont plus susceptibles d’être durables. 

Piège 5 : Manque de progrès mesurables 

Comme le dit le spécialiste de la gestion Peter Drucker, ce qui ne peut pas être mesuré ne peut pas être géré. Cela est particulièrement vrai dans le cas de la transformation numérique. Il est essentiel de mesurer les progrès par rapport aux objectifs tout au long du processus de transformation. L’application des pratiques de gestion par analyse de résultat est l’une des façons à la disposition des organisations pour s’assurer que les activités de transformation concordent toujours avec la stratégie opérationnelle et qu’elles en atteignent les objectifs. Quoi qu’il en soit, les objectifs clairs fixés pour éviter le piège 1 doivent être assortis d’indicateurs de réussite mesurables qui favoriseront une adhésion pleine et entière au projet et qui donneront à celui-ci la crédibilité nécessaire pour façonner le contexte organisationnel permettant de désamorcer le piège 4. 

L’évaluation de la maturité est une stratégie de rechange qui consiste à mesurer, au début du projet de transformation numérique, l’utilisation du numérique au sein de l’organisation. Bien entendu, d’autres évaluations doivent être effectuées à intervalles réguliers durant l’exécution des projets ou lors de changements découlant de tels projets. La Banque de développement du Canada offre une évaluation de la maturité numérique qui mesure le niveau de maturité aux premières étapes de la numérisation et de l’automatisation au sein d’unités fonctionnelles cloisonnées ainsi qu’aux étapes plus avancées, qui reflètent une culture numérique axée sur l’expérimentation et l’amélioration continue. La Banque mondiale propose aussi l’évaluation de l’état de préparation du gouvernement numérique (en anglais seulement), une ressource pratique pour évaluer la maturité numérique.  

Les organisations n’empruntent pas toutes le même parcours pour atteindre leurs objectifs. Toutefois, une évaluation de la maturité peut fournir une liste de contrôle immédiate pour s’assurer de réunir les conditions nécessaires à la réussite. En établissant correctement l’ordre dans lequel doivent être apportés les changements organisationnels nécessaires à la transformation numérique, il est possible d’éviter les pièges de manière prévisible et disciplinée. 

Piège 6 : Désuétude des TI 

La transformation numérique ne se limite pas à des ajouts technologiques à l’architecture comme l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique, l’automatisation robotisée de processus, les services en nuage ou les interfaces de programmation d’application (API). Il est essentiel d’adopter une approche équilibrée afin de favoriser l’expérimentation des cas d’utilisation du numérique pour le futur et d’assurer une exploitation sûre et fiable pour le présent, à mesure que l’architecture de modernisation des TI évolue pour prioriser les objectifs de transformation numérique. L’architecture intégrée cible des services et du numérique du GC renforce la notion selon laquelle l’accès à une architecture moderne, souple et adaptée est l’objectif technologique que doit viser toute transformation numérique.  

La transformation axée sur les ressources externes accorde la priorité aux changements architecturaux qui prennent en charge les données et les services réutilisables, l’intégration des services, l’automatisation des flux de travail et la virtualisation d’une infrastructure évolutive pour faciliter l’idéation de nouveaux produits et services. La transformation axée sur les ressources internes, elle, mise plutôt sur des modifications architecturales des activités fondamentales qui automatisent les processus opérationnels répétitifs, regroupent les dossiers opérationnels au même endroit et offrent une visibilité des transactions de bout en bout. Il est impératif de proposer au personnel des technologies synchrones dotées de fonctions comme la collaboration vidéo en temps réel, le clavardage et le partage d’écran pour favoriser la concertation des personnes et des équipes. 

Conclusion 

Les organisations qui établissent un plan d’action pour détecter les pièges courants associés aux projets de transformation numérique pourront mieux les éviter et seront en mesure de communiquer clairement l’idée selon laquelle la technologie est au service de la transformation numérique, et non le contraire. 

Voici un résumé des principales mesures à prendre pour mener à bien une transformation numérique : 

  1. Fixer des objectifs de transformation clairs qui concordent avec la stratégie opérationnelle de l’organisation. 
  2. Trouver un allié ou une alliée chez les cadres et rallier aussi les cadres intermédiaires responsables de la mise en œuvre du changement. 
  3. Miser sur les possibilités d’apprentissage structuré et non structuré qui permettent aux personnes de voir le numérique sous un nouvel angle et d’acquérir de nouvelles compétences en la matière. 
  4. Rendre les changements viables à long terme en décrivant clairement le problème, en communiquant un résultat souhaitable et en choisissant des changements réalistes et réalisables. 
  5. Mesurer la maturité numérique actuelle de l’organisation et déterminer le degré de maturité souhaité avant d’effectuer des investissements importants. 
  6. Planifier des investissements en TI pour jeter les bases d’une exploitation sûre et fiable sur lesquelles s’appuieront les futurs investissements dans le numérique. 

Ressources